references
ORIGINES De Tolède à Andrinople
DE TOLÈDE À ANDRINOPLE
Le XVe siècle connaît au moins deux coups de tonnerre qui vont ébranler le monde méditerranéen. Le premier éclate en 1453, lorsque les Turcs ottomans conquièrent Constantinople, la capitale millénaire de l’Empire romain d’Orient. Désormais, l’étendard vert du Prophète Mahomet flotte sur Sainte-Sophie. Le second se produit en 1492 avec la prise de Grenade qui renverse le dernier émirat musulman d’Andalousie et unifie l’Espagne sous la Croix. Ces deux événements n’auront pas les mêmes conséquences du point de vue de la tolérance religieuse. Tandis que l’Empire ottoman s’affiche comme protecteur des minorités confessionnelles, l’Espagne proclame l’unicité de sa foi et condamne à l’exil les communautés non chrétiennes qui ont souvent vécu en paix sur son sol pendant parfois plus de huit siècles et refusent de se convertir. C’est ainsi que les Juifs d’Espagne quittent Tolède, Valence ou Salamanque pour se réfugier notamment à Smyrne, Andrinople ou Salonique, accueillis à bras ouverts par le sultan Bayazid II (Bajazet, 1481-1512) qui leur offre appui et protection, conscient de leur apport bénéfique à son empire. Originaires de Tolède au vu de leur nom, les de Toledo s’installent probablement au début du XVIe siècle à Andrinople qui fut l’ancienne capitale de l’Empire ottoman avant la prise de Constantinople. Trois siècles plus tard, la Turquie est devenue l’homme malade de l’Europe et se montre bien moins tolérante qu’auparavant. Par contraste, l’Espagne se souvient alors de ceux qu’elle a contraints jadis à l’exil et leur accorde, pour les protéger, la nationalité espagnole. Les de Toledo et leurs cousins Mori seront donc Espagnols, à Andrinople. Avec eux va bientôt commencer une aventure genevoise aux innombrables rebondissements, celle de la Pharmacie Principale.
Buste du sultan Bajazet II (1481-1512) qui accueillit les Juifs d’Espagne dans son empire en déclarant : «Vous appelez Ferdinand d’Aragon un monarque avisé, lui qui appauvrit son empire [en expulsant les Juifs d’Espagne] et enrichit le mien [en me les envoyant].»
A gauche, maison traditionnelle d’Andrinople. A droite, certificat de nationalité délivré par le Consulat d’Espagne de Genève à Henri de Toledo, en 1919.
8