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Souvenirs de plus d’un demi-siècle passé à la Pharmacie Principale ANNEXE I
UN CONTACT FABULEUX AVEC GENÈVE
Nous avions un client qui venait avec son char et son cheval du Grand-Lancy pour acheter sa bonbonne de 50 litres d’alcool. Un rigolo de la vieille ville nous achetait du raticide, il dormait avec un masque d’escrime pour se protéger. Un jour, un forain nous a acheté un litre de benzine. Il en met un peu dans sa bouche, allume une allumette et crache du feu; on peut dire que nous avons eu chaud. Tous les vendredis, nous avions un petit monsieur avec une belle barbe blanche, il venait à vélo de Bernex nous vendre ses fleurs qu’il cultivait lui-même. C’était un porte-bonheur. Nous avions le vieux Jacob âgé de 80 ans qui venait, à vélo, de la maison de retraite de Vessy, faire les commissions pour les pensionnaires. Il passait derrière le comptoir, faisant l’équerre comme un jeune à notre grande stupéfaction. Avec son rire diabolique, il amusait le magasin, ce qui n’était pas du goût de notre chef. Souvent, le jeudi, j’avais une dame âgée qui bousculait tout le monde pour se faire servir au comptoir avant les autres; les clients ne disaient rien respectant son âge. Elle avait la tête à la bonne place et n’oubliait jamais, quand je lui avais fait son compte, de me demander: «Vous avez bien déduit mes verres? » Voilà qu’un jour elle m’offre sa photo dédicacée, c’était le souvenir de son 100 e anniversaire fêté par le Conseil d’Etat. Comme client, nous avions également Isidor Kar, chef d’orchestre ; Elzingre, dessinateur bien connu pour ses tableaux de chevaux. Ceux du Petit Casino « la mère Gnagnu », dite Hermine Rimert de la Revue et de la Radio ; Alexandre Fedo, Iris Avichay fille de notre chef du personnel. C’était la grande époque de la Comédie et de Jean Bard. Et, tenez-vous bien, le fameux reporter Eugène Trollux, ami de la Direction, amateur de Padres Kofa. C’était un contact fabuleux avec Genève et son esprit. Nous avons servi plusieurs personnalités de passage: Jean Tissier nous avait offert une cigarette à tous; Fernandel qui, au moment de payer, avait demandé: «Où est l’orchestre?» Ou Marlène
Dietrich qui avait répondu à la pauvre Amélia Vauthier [vendeuse] qui lui avait demandé un autographe: «Je ne signe que les chèques!»
ÉVÉNEMENTS ET CHANGEMENTS
J’ai souvent dépanné au comptoir de la photo, mais également dans d’autres rayons. Notre bandagiste nous ayant quittés, je fus formé par mes amis Oyfer et Roth pour lui succéder. Nous avions une vendeuse qui un jour avait demandé à un client désirant un bandage: «Pour quel côté?» Il lui répondit: «Oh! Je viens de Coppet!» Quand un client venait acheter une pharmacie de ménage, Monsieur Jacobs m’envoyait pour la placer. Si une ampoule sautait au magasin, c’était: «Vas-y Collet!» La grande échelle posée par-dessus le comptoir et hop, il aurait fallu avoir trois mains car, à l’époque, c’étaient de grands globes. Au centre du ma-
Intérieur du magasin de la PP.
gasin, sous la galerie du premier étage, il y avait une grande hélice pour ventiler l’air; je faisais une solution avec de l’eau de Cologne, que mon ami Fritz pulvérisait dans le magasin pour rafraîchir tout le monde. Nous avions une très bonne vendeuse pour les rasoirs électriques, son seul échec fut de n’avoir jamais pu en vendre un à Monsieur Jean. Vive le Gillette!
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