Des clés pour gérer votre stress
Apprendre à gérer notre stress de manière naturelle, en ayant recours aux ressources présentes en chacun d’entre nous, c’est ce que proposent deux approches aux effets éprouvés : la méditation et la cohérence cardiaque.
Par le Dr Jean-François Briefer, psychologue
La gestion du stress est une préoccupation majeure dans la société actuelle. La globalisation des marchés nous fait assister à une compétition exacerbée entre les entreprises qui retentit sur la sphère individuelle de façon non négligeable et parfois dramatique, si l’on en juge par la vague de suicides qui a frappé récemment plusieurs grandes entreprises françaises. Notre système sociétal, résolument tourné vers la rentabilité et le culte de la performance, charrie des victimes en nombre croissant, touchées par diverses pathologies. L’augmentation des invalidités pour raisons psychiques en est un exemple. Même si la sphère cardio-vasculaire est le plus souvent touchée, les troubles liés au stress sont très variés. Ils apparaissent dans une zone de vulnérabilité propre à chaque individu et se manifestent donc de manière variée : dépression, addiction, maladies auto-immunes, tensions musculaires, troubles digestifs, infarctus ou hypertension pour n’en citer que quelques-uns.
Le phénomène d’accélération de notre mode de vie est un autre aspect de notre société qui accroît le stress. Les nouvelles technologies en sont prioritairement responsables dans la mesure où la communication est devenue instantanée, nous forçant à être « connectés » en permanence et prêts à réagir. Nous n’avons pas conscience à quel point cet état de réactivité permanente influence notre fonctionnement cérébral et nous prive de véritables moments de repos libres de toute sollicitation.
Ainsi, s’il veut maintenir sa qualité de vie, voire même survivre dans cet environnement trépidant, l’homme d’aujourd’hui se doit de réinventer son rapport au monde. Cette réinvention peut passer par l’apprentissage de nouvelles techniques de gestion du stress telles que la méditation de pleine conscience et la cohérence cardiaque.
Ces techniques permettent à l’individu de retrouver un lien corps-esprit bien souvent perdu sous l’influence de l’excès de stress. En effet, lorsque l’organisme ressent la pression constante des demandes de son environnement, il peut tenter de s’y adapter en modifiant sa norme de fonctionnement. Il va alors quitter la régulation homéostatique, sur le modèle du radiateur dont le thermostat maintient la température dans une fourchette fixe, pour adopter la régulation allo-statique qui va déplacer cette norme pour faire face au stress. C’est ce qui se passe dans l’hypertension dite essentielle. L’organisme apprend à soulager son stress en augmentant progressivement sa tension artérielle au-delà de sa norme habituelle.
Lorsqu’un tel mécanisme se met en place, la personne a alors perdu un bien précieux : celui de se sentir en connexion avec son propre corps, le sentiment d’unité corps-esprit. Ce lien à son propre corps, qui permet d’être à son écoute, est crucial pour pouvoir en percevoir les limites. Or ce lien est malmené lorsque le stress devient chronique et c’est alors que ce dernier montre son côté le plus sournois. En effet, en raison de son apparition souvent très progressive, l’organisme va puiser dans ses ressources pour faire face jusqu’à l’épuisement, sans qu’il n’y ait forcément prise de conscience de cet « état d’urgence » interne. La rupture du lien corps-esprit est alors avérée.
La méditation de pleine conscience et la cohérence cardiaque offrent des opportunités réelles d’amélioration de la santé, moyennant une légère modification du mode de vie qui consiste à les insérer dans notre programme quotidien. Notre machine biologique n’est-elle pas suffisamment extraordinaire pour qu’on lui consacre un peu de notre temps ?
La méditation de pleine conscience
Cette technique ancestrale propre à la tradition bouddhique (Vipassana) a été reprise par la thérapie cognitivo-comportementale afin de l’appliquer de manière scientifique aux difficultés de notre temps que sont le stress, l’anxiété et la dépression.
La méditation de pleine conscience vise à contrecarrer la perte de flexibilité de l’attention qui nous frappe lorsque nous sommes soumis au stress et à l’anxiété. En effet, pour le meilleur ou pour le pire, le stress nous place dans un état d’hypervigilance qui focalise notre attention sur le thème qui nous (pré)occupe. Ce mécanisme est normal et même souhaitable pour être performant. Malheureusement, lorsqu’il se prolonge, il devient délétère et peut entraîner une grande variété de troubles tant somatiques que psychiques par le biais d’une sur-activation constante de l’organisme.
C’est ce que tend à produire notre rythme de vie effréné en plaçant notre attention dans le mode focalisé une trop grande partie du temps. Si un terrain anxieux est présent, cela ne fera que renforcer cette tendance à voir les inquiétudes et les ruminations envahir le champ de la pensée et tourner en boucle de façon stérile. Cet accaparement de l’attention a de plus des répercussions physiologiques non négligeables telles que accélération du rythme cardiaque, voire palpitations, refroidissement des extrémités des membres, souffle court, etc., soit une réaction typique de stress.
A l’inverse, il existe un mode attentionnel qui permet à l’organisme de lâcher prise et de retrouver une certaine sérénité : le mode attentionnel diffus. Il résulte d’un élargissement du champ attentionnel permettant de prendre de la distance avec les pensées stressantes qui persistent.
Les animaux aussi connaissent bien ces deux modes de fonctionnement, mais ils ont gardé la sagesse de n’utiliser le mode focalisé qu’une petite partie du temps, en cas de nécessité lors de la chasse et de la défense. Ils passent le reste de leur temps au repos dans une forme de détente régénératrice.
Le moment présent
Quitter le mode attentionnel focalisé pour le mode diffus peut se faire par exemple en portant son attention sur le corps, sur l’espace autour de soi ou sur les sons entendus. Il s’agit de porter l’attention sur les sensations telles qu’elles se présentent, sans chercher à les modifier ou à y réagir. Porter une attention sans jugement sur les sensations estompe les pensées et nous recentre dans le moment présent. C’est le début de la mise en place d’une attitude méditative au quotidien. Lors de ces moments de méditation informelle, et grâce à l’attitude d’acceptation bienveillante et d’abandon au monde extérieur qui l’accompagne, le mode attentionnel diffus peut s’installer et interrompre la réaction de stress.
A côté des moments informels de méditation, la méditation se pratique également dans un cadre plus formel, habituellement en position assise. Le mécanisme est ici un peu différent dans la mesure où le mode attentionnel focalisé constitue un outil pour atteindre le mode diffus. En effet, la méditation de pleine conscience utilise les sensations corporelles comme moyen d’ancrage dans le moment présent. Il s’agit de se concentrer sur certaines sensations corporelles liées à la respiration telles que la sensation de l’air qui entre et sort à travers les narines, afin d’atteindre, entre deux flots de pensées incontrôlées, un état d’absorption (samâdhi en sanscrit), forme de tranquillité attentive qui ouvre les portes de l’éveil...
La méditation nous invite à redécouvrir le mode d’être le plus simple qui soit, celui qui consiste à être présent, en connexion avec son corps, tout en permettant aux pensées et tracas de perdre leur intensité pour laisser place au calme, voire au détachement.
La cohérence cardiaque
Autre outil de gestion du stress, la cohérence cardiaque fait appel à un appareillage de biofeedback. Le matériel consiste en un logiciel ou un appareil portable, tous deux très simples d’utilisation, permettant d’harmoniser le rythme cardiaque grâce à un capteur placé sur le lobe de l’oreille et un feedback, sonore ou visuel, indicateur du niveau de cohérence.
Le rythme cardiaque n’est jamais constant. Même au repos, le cœur ne bat jamais comme un métronome. Son rythme subit des oscillations qui peuvent être plus ou moins harmonieuses. Sous l’influence du stress ou d’émotions fortes, les fluctuations du rythme se font de manière chaotique.
Au contraire, lorsque la personne se détend et respire calmement, à environ six respirations par minute, les fluctuations du rythme s’harmonisent et prennent la forme d’une sinusoïdale, phénomène normal dénommé arythmie sinusale respiratoire. On observe alors une synchronisation de différents rythmes corporels (respiration, cœur, tension artérielle, ondes cérébrales), suivie d’une cascade d’événements hormonaux, neuronaux et biochimiques favorables pour l’organisme tels que l’amélioration de la réponse immunitaire, la baisse du cortisol (une hormone du stress) et la libération de DHEA (hormone antivieillissement). Ces réactions psychophysiologiques vont favoriser la capacité de concentration, la gestion des émotions et le bien-être en général et agissent comme une excellente prévention cardio-vasculaire.
Par ailleurs, l’amplitude de la variation du rythme cardiaque est un reflet de la santé cardiovasculaire. Une amplitude importante permet une meilleure tolérance au stress. Par conséquent, améliorer la variabilité cardiaque a un impact notable sur la santé. Des effets bénéfiques ont été démontré sur de nombreuses maladies, parmi lesquelles l’hypertension, l’hypotension, l’asthme, la maladie coronarienne, la fibromyalgie, l’anxiété et la dépression.
Pour en savoir plus
Le site de l’auteur :
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